Il n’est plus à démontrer que l’open source a grandement contribué à l’émergence des logiciels, qu’ils soient libres de droits ou propriétaires. L'émergence des entreprises de l'open source s'est fait ressentir dans la seconde moitié des années 2000, et en particulier celle des bases de données open source. Plus d’une décennie après, les acteurs de ce nouveau concept de bases de données font face à un problème crucial : peu de personnes sont prêtes à payer pour utiliser les logiciels de base de données open source. Mais pourquoi ?
Les bases de données sont une catégorie de logiciels très importants en informatique. Les bases de données propriétaires comme Microsoft SQL Server ou Oracle ont longtemps dominé le marché, mais celles open source sont apparues et ont démontré qu’elles pouvaient également être efficaces. En 2009 par exemple, nous avons assisté à l’arrivée de MongoDB, Redis et Hazelcast. De même, Aerospike et Couchbase ont fait leurs débuts un an plus tard. Ces différents types de bases de données n'avaient pas seulement un manque de SQL en commun, mais bien plus.
En effet, au début, elles proposaient toutes de solides offres open source associées à des éditions pour les entreprises et des contrats de support. Les offres d’entreprises et les contrats servaient à ces sociétés à payer leurs factures. À présent, il s’avère que les bases de données open source ont un problème de monétisation, une chose que les entreprises elles-mêmes admettent. D’après les développeurs de KeyDB, une base de données open source, tout a commencé lorsqu’elles ont décidé de changer leur façon de gagner de l’argent avec leurs produits.
Selon John Sully, fondateur de EQ Alpha Technology, développeur de la base de données NoSQL KeyDB, présentée telle une alternative à Redis, les problèmes ont peut-être débuté avec la montée en puissance du cloud, mais l’on ne doit pas ignorer l’approche adoptée par les fournisseurs de bases de données open source pour monétiser leurs logiciels. Sully estime que, rejetant la faute directement sur le cloud, les entreprises comme Redis Labs et MongoDB ont commencé par abandonner l’open source pour des licences propriétaires.
« Les problèmes ont commencé à la suite de la première poussée de monétisation. Les mêmes entreprises qui avaient été si innovantes dans leur marketing et leur utilisation de l'open source se sont rabattues sur les tactiques de vente traditionnelles des entreprises. Les usagers habitués à installer des logiciels avec un simple “apt-get” ou “docker pull” à peu de frais, voire gratuitement, devaient maintenant subir des heures d'appels de vente, des prix largement disproportionnés par rapport à la valeur fournie et des limitations artificielles sur le matériel pouvant être utilisé », a-t-il déclaré.
Dans son analyse, il estime que MongoDB et Elastic sont toutes deux des sociétés dont les états financiers montrent qu'elles perdent près de 40 millions de dollars par trimestre. En effet, Redis Labs a confirmé qu'elle n'a pas de flux de trésorerie positif, sans parler de leur rentabilité. CockroachDB admet n'avoir que 50 entreprises clientes. Pour lui, les prix élevés, les tactiques de vente agressives et les restrictions arbitraires sont autant de facteurs qui limitent l'adoption des offres payantes.
Par ailleurs, Sully pense que les clients sont prêts à payer pour des logiciels de qualité supérieure, mais en premier, il faut leur proposer un accord équitable avec des conditions raisonnables et une valeur claire. « Lorsque nous avons décidé de créer une entreprise autour de KeyDB, nous ne voulions pas faire les erreurs du passé. Au lieu de cela, nous avions un principe simple : les logiciels libres sont durables si les extras sont offerts à un prix équitable avec la commodité que les utilisateurs attendent », a-t-il déclaré.
« Nous pensons que les licences ne devraient pas être compliquées par des restrictions. Vous pouvez utiliser les logiciels libres sans restriction sur n'importe quel matériel, alors pourquoi payer par noyau ou gigaoctet pour une version professionnelle ? N'est-ce pas là un déclassement ? », a-t-il ajouté. D’autres cependant estiment que l’open source souffre d’un problème de « travail gratuit ». Selon Havoc Pennington, un ingénieur en logiciels libres et cofondateur de Tidelift, ce qu’il faut éviter de faire, c’est de croire que l’open source est une œuvre de charité.
D’après Pennington, il est vrai que le travail non rémunéré soit un moyen populaire et parfois efficace de devenir un développeur de premier plan bien connu, mais l'absence de compensation ne nuit pas seulement qu’aux développeurs individuels, elle crée aussi des problèmes sociaux en amplifiant les privilèges existants. En effet, il cherche à faire comprendre que l’open source n’est pas de la charité dans la plupart des cas et qu’il est tout à fait normal que les responsables de l’open source demandent de l’argent pour la valeur fournie.
Si l’on prend en compte ce que dit Pennington, cela justifierait pourquoi les entreprises de l’open source se tournent maintenant vers les licences propriétaires. Pennington a suggéré en 2019 que la communauté open source devrait prendre du temps et réfléchir à quelques questions qui méritent d’avoir des réponses pour que le monde open source puisse bien se porter à l’avenir. Il a énuméré des questions comme : Quelles sont les catégories de travail qui ne doivent pas être rémunérées pour que la communauté open source puissent prospérer ?
Aussi, comment les projets peuvent-ils clarifier les attentes des utilisateurs et donner aux entreprises un moyen de payer pour la valeur reçue ? Les entreprises doivent également chercher à savoir quelles autres catégories de travail doivent être payées pour que les projets open source aient des mainteneurs indépendants avec des revenus fiables.
Source : John Sully
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Le , par Bill Fassinou
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